De la militance positive et non-violente

Portrait

Nom : Lu
Âge : 29 ans
Fonction : militante aux Jeunes CSC de Bruxelles
Son livre de référence en matière d’éducation : Libres enfants de Summerhil
Ses sources d’inspiration : Vincent Verzat, Keny Arkana


​De l’idée à l’action

Lu, 29 ans, milite aux Jeunes CSC de Bruxelles. Elle a participé au congrès de la CSC de Bruxelles pour porter des revendications jeunes. Elle a rejoint la marche climat à Bonn et participé au blocage de la mine de charbon. Elle croit aux actes de « désobéissance civile » faits au nom de l’intérêt commun, de la défense de la planète. Elle souhaite rester anonyme pour avoir plus de liberté d’agir.

Il y a plus d’un an, suite à un problème de boulot - sa mère lui ayant rappelé qu’elle était affiliée à la CSC depuis 10 ans et que c’était l’occasion d’aller les voir - Lu se rend à la CSC de Bruxelles pour rencontrer le permanent Jeunes au mois d’août 2016.

« Nel a une bouille qui peut mettre tout le monde de bonne humeur, il amène du soleil dans une pièce. Nous avons eu une discussion très animée sur ce que l’on pense du système et de ses rouages. Il m’a dit: "Faut que tu viennes ici, que tu participes." J’ai hésité parce que je fais partie du groupe de la flemme. Je lui ai répondu que je voulais bien être là pour échanger des idées pas pour faire des actions.

J’ai participé à 2-3 réunions des Jeunes CSC avec des amis. Nel rendait les réunions très intéressantes et fun. Mais un truc m’a choqué: lors d’une réunion, il voulait décider à 4-5 personnes des points centraux sur lesquels se battre durant l’année. Pour moi, nous n’avions pas la légitimité de décider à 4-5 ce qui est important pour l’ensemble des jeunes Bruxellois. De là est née l’idée de réaliser une enquête pour demander aux Bruxellois ce qu’ils voulaient.

L’enquête portait sur les problèmes et les solutions à mettre en place. J’ai commencé à poser ces questions autour de moi: quels étaient selon les gens les problèmes dans notre pays et quelles solutions ils trouvaient intéressantes. J’ai eu une myriade de réponses, sur les politiciens, la politique européenne de taxation, le salaire à vie, la légalisation du cannabis, le référendum…»

On m’a demandé mon avis

« Lors de cette enquête les premières personnes vers qui je me suis tournée étaient mes amis.     Ma meilleure pote m’a dit quelque chose d’interpellant: "J’ai tellement l’habitude de me dire que mon avis ne sera pas pris en compte que je n’ai jamais pris le temps de penser à des solutions." Et je me suis rendu compte d’un truc: l’école et le système actuels nous ont fait croire que nos avis n’ont pas d’importance. Peu importe pour qui on vote, les décisions qui seront prises par les politiques seront les mêmes au final. Donc on pense ne pas pouvoir avoir d’impact.

J’ai eu la chance d’avoir une éducation où, face à un problème, on me demandait comment je pouvais le régler. J’ai été dans une école à pédagogie active où on m’a demandé mon avis et où j’ai pris l’habitude de le donner. Pour moi, tout le monde était comme ça. Quand je suis rentrée dans un système classique à 12 ans, je disais ce que je pensais et les gens se vexaient. J’ai été dans plusieurs écoles où je suis tombée sur des gens fermés que j’ai classés dans la catégorie connards sans me rendre compte que c’était l’éducation le problème. À 13 ans, j’ai fini par m’enfermer dans les livres, je lisais un livre par jour avec du vrai contenu. Ça a été une des plus belles périodes de ma vie parce que j’étais tout le temps dans la Fantasie. C’était mon échappatoire.

Il faut un changement dans l’éducation scolaire. On met n’importe quoi dans la tête des jeunes. Apprendre la racine carrée de je ne sais quoi est plus important que d’apprendre les droits de l’homme, à défendre ses droits ou à donner les premiers soins… (C’est fou quand même!) »

De la com oui, mais positive !

« Si je vous dis de ne pas penser à un éléphant rose, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit? Si je vous dis de ne pas penser à votre boss en costume de clown avec une perruque orange, vous pensez à quoi? Si vous manifester contre la guerre, c’est à la guerre que vous pensez et vous la renforcez. C’est de la programmation neurolinguistique. Manifester pour la paix, la liberté, le travail juste sera plus efficace que de manifester contre quelque chose. Nous devons changer nos modes de communication et éliminer le négatif pour donner l’envie de nous suivre. Médiatiser les victoires aussi petites soient-elles nous ferait un bien fou. Ce serait aussi super si les médias arrêtaient de taper sur les moyens de résistance, les grèves, les manifs et de parler des navetteurs en retard comme des otages… Mais au vu de leur allégeance aux politiques et à l’économie je pense surtout qu’il faudra faire sans eux. Nous ne devons pas être dans la réaction mais dans l’action.

Notre génération est celle des crises successives: On n’a jamais connu une société qui allait bien. La société est en décadence, le changement climatique, les hommes politiques véreux, pour nous, c’est la norme. Beaucoup de gens pensent que c’est impossible de changer les choses car ils n’ont connu que ça. Si on a un mur dans la tête, ce n’est pas possible de changer les choses parce que le changement commence par soi-même. J’aime la désobéissance civile car c’est une méthode efficace et non violente pour passer un message. Un autre moyen d’action est le harcèlement numérique. »

Ses sources d’inspiration

« Ce sont les vidéos de Vincent Verzat qui m’ont donné envie d’aller à Bonn. C’est un Vidéaste positif, qui séduit. Allez voir « Le blog des gens qui se bougent », « 5 trucs pour résister », « 5 trucs pour parler avec un connard »… C’est efficace, parce que tout le monde peut se reconnaître dans ce qu’il dit et personne ne se sent attaqué. À Bonn, il a posté une vidéo par jour pour décrypter les négociations autour du climat.

Une autre personne qui me porte depuis très longtemps, c’est Keny Arkana, une rappeuse française. Chacun de ces textes a un quintuple sens. Elle dit « J’emmerde leurs règles, mais je respecte la vie et la planète ». C’est une Marseillaise d’origine argentine qui lutte contre le système, dans la non-violence. Elle fait des millions de vue sur YouTube mais on ne parle que très rarement d’elle. »

L’occupation de la mine de charbon

« Sur la mine de charbon, nous étions armés de ce que la police appelait des armes passives: des masques, des lunettes antilacrymales, des ballots de paille pour se protéger. Tout le monde était positif. Cette action m’a donné un sentiment d’appartenance. On nous fait croire qu’il n’y a rien à faire pour changer les choses. Mais quand on bouge, il y a des choses qui changent. On peut faire changer les choses avec de l’organisation, de la non-violence et de la motivation. On a réussi à occuper cette mine à 4.500 personnes. Et la police n’a rien pu faire pour nous en empêcher.

Si on est violent envers les flics, les flics sont violents. Nous sommes des citoyens qui se battent pour le futur, pour nous, pour eux, nos enfants, leurs enfants. Le combat n’est pas contre eux. Je me bats pour ma vie, pour la vie de chacun. Quand on veut un truc, la violence est le dernier recours. Notre but en bloquant la mine de charbon est de faire passer un message aux gens qui ne se rendent pas compte d’un problème et se demandent quoi faire. Plus on sera nombreux, plus ce sera possible. L’action est un boost pour le moral. Il faut mener des actions qui font que les politiques sont obligés de nous écouter. Bonn donne de l’espoir. »

Le congrès bruxellois

« Notre idée comme jeunes était de ne pas trop demander mais de demander ce qui nous tient vraiment à cœur. Les Jeunes CSC ont notamment porté la ligne de force sur le financement public des écoles à pédagogie alternatives et le refinancement de l’enseignement, et la gratuité des transports en commun pour les étudiants, quel que soit leur âge.

Mais on va faire quoi maintenant pour y arriver? Il faudrait parler des moyens d’action à mettre en œuvre avec les militants. Car nos moyens d’actions actuels n’ont pas l’effet qu’il faudrait et  pourtant, il est urgent de réagir maintenant et d’avoir un impact. On est à un croisement de l’histoire. C’est ici et aujourd’hui que l’avenir des prochains siècles se joue. »

Propos recueillis par Donatienne Coppieters
​Interview parue également dans L'Info - Journal d'informations syndicales
le 22 décembre 2017
n°24 • 75e année
Bimensuel
Crédit photo : Aude Vanlathem

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