ÉTUDIANT : Focus sur le travail étudiant

Travail étudiant : stop ou toujours plus ?

  1. Introduction
  2. Quelles cotisations à l'ONSS ?
  3. Le mythe du job étudiant
  4. Dans l'Horeca
  5. Allocations familiales
  6. Le coût des études
  7. Briser les dépendances

1. Introduction

Le travail étudiant est en augmentation constante depuis une dizaine d’années, hausse favorisée par des changements législatifs qui tendent à le rendre sans cesse plus attractif pour les employeurs. Est-ce aussi favorable aux étudiants eux-mêmes ? Et quel impact sur les autres salariés ?

par Yves Martens (CSCE)

Un étudiant peut travailler sous contrat normal ou sous contrat d'occupation d'étudiant, seul ce dernier étant soumis à un régime dérogatoire en sécurité sociale. Ces dernières années, la dérégulation en la matière a connu plusieurs étapes, allant toujours plus loin dans l’élargissement des possibilités d’exonération et l’augmentation de la flexibilisation. Des modifications qui ont provoqué une explosion du recours au travail étudiant.

Le quota de jours… devenus heures​
Avant 2005, le travail des étudiants (donnant lieu à des exonérations de cotisations sociales) était strictement limité aux vacances d’été (mois de juillet, août ou septembre) pour une période d’un mois maximum (23 jours de travail effectif pour être précis, indépendamment du nombre d’heures prestées durant ces journées). En 2005 (à partir du 1er octobre), ce maximum a été doublé, réparti en 23 jours durant l’année scolaire et 23 jours durant les vacances scolaires. En 2012, le maximum a été encore (légèrement) augmenté, à 50 jours, mais, surtout, il s’agissait à partir de ce moment des 50 premiers jours d'occupation d'une année calendrier, sans distinction donc entre période d’été et temps scolaire. Un seul verrou demeurait : le fait que l’on comptait une journée pleine quel que soit le nombre d’heures prestées. Cela signifie donc que, de 2012 à 2016, toute journée travaillée, même si elle ne comportait qu’une ou deux heures de prestations, était décomptée du quota de 50 jours. Ce verrou ultime a sauté à son tour au 1er janvier 2017. Désormais, le régime sous cotisations réduites est porté à 475 heures maximum par année civile, qu’importe donc le nombre de jours de travail. (voir 2. Quelles cotisations à l'ONSS ? pour la situation actuelle) Cette flexibilisation à outrance fait de l’étudiant le « bouche-trou parfait ». Auparavant, l’étudiant appelé pour un renfort de deux heures avait un argument de poids pour refuser, car pour ces deux petites heures, il perdait donc une journée entière dans son décompte maximal. A présent, il est vraiment sans défense sur ce point. Notons encore une dernière (en date) mesure de flexibilisation prise par le Conseil des ministres du 26 juillet 2017 : les étudiants jobistes mineurs (entre 15 et moins de 18 ans) pourront à partir du 1er janvier 2018 travailler le dimanche. Il ne leur reste plus comme dernière barrière que l’interdiction du travail de nuit. 

Cotisations riquiqui
Avant 1997, l’exonération de cotisations sociales était totale. En 1997 a été instaurée une cotisation de solidarité de 5% à charge de l’employeur et de 2,5% à charge de l’étudiant durant l’été, 8% à charge de l’employeur et 4,5% à charge de l’étudiant durant l’année scolaire. (voir 2. Quelles cotisations à l'ONSS ? pour la situation actuelle). Ce régime était appliqué pour autant que l'étudiant n'ait pas été soumis au régime de la sécurité sociale des travailleurs salariés en raison d'une activité durant l'année scolaire chez le même employeur, sauf dans le cadre d'un contrat d'occupation d'étudiants pendant les vacances de Noël et/ou de Pâques. Le « rapport au roi » (qui permet de connaître les intentions visées par l’arrêté royal, comme c’est le cas des travaux préparatoires pour une loi) indiquait : « L'instauration d'une cotisation spéciale de solidarité à charge des étudiants et de leurs employeurs a pour objet de solidariser les étudiants avec les travailleurs salariés, étant donné que souvent, les étudiants sont bénéficiaires d'allocations familiales et disposent d'une protection sociale en matière de soins de santé en qualité de personnes à charge. (…) La cotisation de solidarité est assimilée aux cotisations de sécurité sociale perçues sur la rémunération des travailleurs salariés. Ladite cotisation n'ouvre cependant aucun droit à l'étudiant en matière de sécurité sociale. Le produit de la cotisation de solidarité susvisée est versé au Fonds pour l'équilibre financier de la sécurité sociale. » Si l’objectif est de garantir l’équilibre de la Sécu, pourquoi diable se contenter d’une cotisation symbolique, qui n’ouvre aucun droit présent ni futur ? C’est une remarque qui vaut d’ailleurs pour l’ensemble des réductions et/ou exonérations de cotisations sociales : il est paradoxal (mais typique des derniers gouvernements) de priver la Sécu de recettes, puis de « s’étonner » de son déficit. En l’absence de protection sociale personnelle (seuls les accidents de travail sont couverts), l’étudiant se retrouvera sans revenu s’il est malade (ses soins de santé seront couverts par la mutuelle de ses parents) ou s’il veut ou doit prendre congé. Il ne cotise ni pour le chômage ni pour sa future pension. Et, évidemment, il représente pour l’employeur un coût salarial écrasé qui le met dans une position de concurrence déloyale envers les autres salariés.

Salaires riquiqui aussi
Dans l’écrasante majorité des cas (vous pouvez nous signaler les exceptions), les étudiants ne sont pas payés selon le barème de leurs collègues qui font le même travail, mais au salaire minimum. Pire que ça, ce dernier connaît des variations selon l’âge ! Sans justification objective, le revenu minimum mensuel moyen garanti (RMMMG) est ainsi amputé de 6% par année en dessous de 21 ans !

Le salaire étudiant brut par rapport au revenu minimum mensuel moyen garanti (RMMMG)

Ce n’est pas anodin, puisque la grosse majorité (64%) des étudiants jobistes en 2016 avaient moins de 21 ans et subissaient donc cette discrimination salariale. Ajoutons que l’employeur ne doit respecter qu’un préavis minime (3 à 7 jours selon le cas) pour mettre fin à un contrat d’occupation étudiant. Le coût annuel pour l’employeur d’un étudiant qui travaillerait huit heures par semaine durant toute l’année (soit 416 heures au total) est inférieur à celui d’un jeune salarié de 30,8 % s’il s’agit d’un étudiant de 18 ans et de 15,7 % s’il est âgé de 21 ans. Quant à l’aspect réputé plus attractif pour l’étudiant de ce système, il est aussi à mettre en perspective par rapport aux divers avantages prévus dans le droit du travail et dans la Sécu et auxquels l’étudiant n’a pas accès. Certes, l’étudiant perçoit en salaire direct un net plus important, mais cet « avantage » ne pèse pas bien lourd au moindre souci ou simplement s’il veut prendre congé, que ce soit pour des vacances ou pour l’étude. (voir notre tableau récapitulatif)

Tous ces éléments de dérégulation ont renforcé la concurrence déloyale que les étudiants exercent sur les autres salariés, en premier lieu les travailleurs (en majorité des travailleuses) à temps partiel, les jeunes demandeurs d’emploi, les intérimaires et les saisonniers. 

Croissance continue
Dès lors on comprend aisément que le travail étudiant soit en constante croissance depuis 2005, avec une exception en 2009, probablement due à la crise économique, et ait vraiment explosé ces dernières années. (voir le graphique ci-dessous)
Que l’on parle en termes de nombre d’employeurs (+9 %), d’étudiants (+14 %), de jobs (+22 %), de jours prestés (+25 %) ou de salaires perçus (+30 %), tous les indicateurs sont en augmentation entre 2012 et 2016. La hausse en revenus perçus est globale, vu l’augmentation des prestations, elle ne signifie pas une augmentation individuelle (à part via l’indexation) du salaire étudiant, qui garde les caractéristiques précitées. Notons que les travailleurs étudiants sont en majorité des femmes (54 %), en proportion de leur majorité équivalente dans les études supérieures. En revanche, il semble qu’elles soient, comme dans la vie professionnelle ultérieure, davantage concernées par les emplois les moins bien payés (55,31 % des jours de travail pour seulement 53,54 % des revenus). 

Le nombre de travailleurs étudiants ne cesse d'augmenter depuis quelques années et ce sont en majorité des femmes

Nous allons donc nous pencher, dans la suite de ce dossier, sur les conditions dans lesquelles le travail étudiant nous semble légitime d’un point de vue syndical, progressiste, de l’intérêt général des travailleurs/euses et sur les solutions qui pourraient permettre en tout cas de ne pas être contraint de recourir à cet expédient …

Les illustrations de cette introduction doivent beaucoup aux informations disponibles, et régulièrement mises à jour, sur le site d’Infor Jeunes. Les chiffres, infographies et graphiques sont eux basés sur des données de l’ONSS, synthétisés par les Jeunes CSC.
Dossier paru dans la revue Ensemble du Collectif Solidarité Contre L’Exclusion, n°94 - Septembre 2017

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